Je cours sur une grande ligne droite. Je cours sur une grande ligne droite en terre. Je cours sur une grande ligne droite en terre qui me donne l'impression de ne plus y être, sur Terre.
Je ne suis plus sur cette foutue Terre, je suis dans les airs. Je ne cours plus. A présent je vole, je vole au temps de précieux instants pour me donner un peu d'air. Je me donne un peu d'air et je me tape sur le cœur comme pour évacuer cette rancœur qui m'écoeure et me fait peur. Je me tape le cœur comme si je savais dans mon for intérieur que je l'avais en moi cette fameuse lueur. J'ai peur de rester un imposteur, j'ai peur de continuer à ne faire peur qu'à ma propre personne et ne jamais connaître ce satané bonheur.
J'aurais voulu être Rimbaud, non pas pour connaître Verlaine mais surtout pour ne pas avoir à déchaîner toute cette haine que je traîne avec peine dans cette atmosphère malsaine. J'aurais été beau et créatif, libre et inspiré, stimulé et désiré.
A la place je me sens oppressé et enfermé dans une vie bien rangée que je me suis moi-même imposée. Je suis un drogué refoulé et névrosé qui s'est construit une addiction sur le tard et qui a l'impression qu'il est trop tard. Je n'ai pas couru assez vite sur cette putain de ligne droite, je suis resté trop longtemps sur Terre et maintenant que je suis enfin dans les airs je ne me suis jamais senti autant coincé sous terre, prêt à sombrer dans la galère, sans pouvoir faire marche arrière.